La capture attentionnelle liée à la récompense prédit la non-réussite (non-abstinence) lors d’un défi d’abstinence d’un mois.
Cette étude réalisée au Pays-Bas a révélé que les personnes qui présentent le plus de biais attentionnel vis-à-vis d’une récompense sont celles qui ont le moins de chance de réussir le mois sans alcool.
Cette Les individus qui ont une consommation excessive d’alcool ou qui ont été diagnostiqués pour un trouble dû à la consommation d’alcool montrent généralement un biais attentionnel envers les stimuli associés à l’alcool. De tels biais reflèteraient des processus d’apprentissage liés à l’alcool. Plus précisément, grâce à l’association répétée de stimuli liés à l’alcool et aux effets gratifiants de la prise de la d’alcool, ces stimuli initialement neutres sont censés acquérir une valeur incitative, devenant attrayants en eux-mêmes. Il existe certainement une variabilité dans la probabilité que les individus attribuent une valeur incitative aux signaux (indices) de récompense et donc dans la capacité de ces signaux à capter l’attention. En résumé, des signaux associés à l’alcool (ou ses effets), comme par exemple la marque, le lieu habituel de consommation, le goût ou encore l’odeur, peuvent avec l’habitude et la répétition des consommations, déclencher par eux-mêmes l’envie de consommer (craving).
La présente étude suggère que l’attention portée aux indices de récompense peut être un marqueur utile de la vulnérabilité à la consommation excessive et à la dépendance. Une tâche particulière a été utilisée dans laquelle les participants recherchent et répondent à une cible en forme de diamant parmi des cercles dont l’un est coloré de l’une des deux couleurs, par exemple, bleu ou orange (toutes les autres formes, y compris la cible en diamant, sont grises). La couleur de ce cercle coloré unique, appelé le distracteur, détermine la taille de la récompense disponible lors de cet essai, mais ce n’est pas la cible à laquelle les participants doivent répondre pour recevoir cette récompense. Ce qui est observé avec ce paradigme, c’est que les réponses à la cible deviennent significativement plus lentes pour les essais avec un distracteur à récompense élevée par rapport aux essais avec un distracteur à récompense faible, suggérant que le signal de récompense élevée a plus de chances de capter l’attention des participants, ralentissant leur réponse à la cible même si cette capture accrue est contreproductive.
Figure : Décours temporel d’un essai dans lequel la couleur du distracteur est le signal de la quantité (forte ou faible) de récompense qui peut être obtenue en cas de réponse correcte et rapide (adapté de Le Pelley et al., 2015). Typiquement, dans ce paradigme, la cible est un losange apparaissant parmi des cercles, et, lors de certains essais, un des cercles apparaît en couleur (e.g., en vert ou en rouge). La tâche des participants consiste simplement à donner l’orientation de la barre contenue dans la cible. La couleur du distracteur constitue le signal de la quantité de récompense qui peut être obtenue à l’essai. Ainsi, pour la moitié des participants, un distracteur rouge signale la possibilité de remporter une forte récompense (e.g., +10 centimes) et un distracteur vert, une faible récompense (e.g., +1 centime). L’inverse vaut pour l’autre moitié des participants. Pour éviter une utilisation stratégique de l’information fournie par ces distracteurs, les participants doivent traiter la cible et fournir une réponse correcte mais surtout rapide, afin d’obtenir la récompense. En fonction des temps de réaction dans une phase d’entrainement, un seuil (en millisecondes) est défini pour chaque participant. Si la réponse des participants, concernant la barre dans la cible, est correcte mais que leur temps de réponse est supérieur à ce seuil, alors la récompense n’est pas obtenue. Ainsi, faire attention au distracteur pour connaître la quantité de récompense en jeu lors de l’essai, ralentirait le traitement de la cible et réduirait de fait la probabilité d’obtenir la récompense. Faire attention aux distracteurs est donc clairement contre-productif pour obtenir la récompense et la meilleure stratégie pour obtenir le maximum de récompense est bien d’ignorer le plus systématiquement possible le distracteur présent.
Cette étude a examiné la relation prospective entre la capture attentionnelle liée à la récompense et le changement de comportement réussi, c’est-à-dire l’abstinence pendant la campagne « mois sans alcool » au Pays-Bas. En effet, les défis temporaires d’abstinence tels que la campagne néerlandaise d’un mois « IkPas » (en anglais : NoThanks !) offrent une opportunité idéale pour répondre à cette question. En plus d’être une approche utile pour mieux comprendre les moteurs du changement de comportement, la compréhension des prédicteurs des défis d’abstinence est en soi une démarche très intéressante. Il s’agit de la première étude qui a examiné la relation prospective entre la capture attentionnelle liée à la récompense et le changement de comportement infructueux dans le domaine du comportement addictif.
Les résultats montrent que les participants qui présentaient une capture attentionnelle liée à la récompense plus importante avant de commencer IkPas étaient plus susceptibles de ne pas réussir le défi d’abstinence. Cette association était significative, et ce, indépendamment de la consommation d’alcool initiale.
Albertella L, Vd Hooven J, Bovens R, Wiers RW. Reward-related attentional capture predicts non-abstinence during a one-month abstinence challenge. Addict Behav. 2021 Mar;114:106745. doi: 10.1016/j.addbeh.2020.106745. Epub 2020 Nov 28. PMID: 33310691.